Le 13 juin prochain sortira le jeu vidéo Dordogne, dont l’histoire se déroule dans le Périgord. Ce jeu aux magnifiques graphismes faits en aquarelle a été développé à Bordeaux par le studio Un je ne sais quoi. Nous avons pu interviewer Cédric Babouche, qui est le créateur, directeur et illustrateur de ce jeu vidéo.
Pouvez-vous nous présenter ce projet ?
C'est un projet que j'ai commencé à développer il y a à peu près 4 ans. Au départ, je devais réaliser un autre projet de jeu vidéo et les éditeurs m'ont demandé de réfléchir à un projet plus petit, plus humble, mais avec la même volonté narrative et artistique que l'autre.
Je me suis posé avec des amis. À ce moment-là, je n'avais pas encore monté la structure et on a commencé à réfléchir à ce qu'on pourrait raconter. Et naturellement, on est arrivé sur l'histoire de cette jeune femme qui va visiter la maison de sa grand-mère qui est récemment décédée.
Mais au départ, on n'avait pas forcément positionné en Dordogne. C'est juste quand j'ai commencé à dessiner, parce que je suis aussi l'auteur graphique du jeu, qu'il s'avérait que mes dessins rappelaient forcément la Dordogne. C’était au départ plus particulièrement le Lot, près de Saint-Germain-du-Bel-Air, Labastide-Murat et Rocamadour parce que la famille du côté de ma grand-mère et mon arrière-grand-mère avait une maison là-bas et donc j'y ai passé les 15 premiers étés de ma vie.
Petit à petit, l'équipe voyant que ce que je dessinais était naturellement lié à cette région, on a commencé à donner à ce projet le nom de code “Dordogne” et le mot est resté. On a cherché d'autres noms pour le projet, mais on n'a jamais réussi à s'en séparer, on a gardé le jeu comme ça.
Et il y a 5 ans, je suis descendu vivre à Bordeaux et la première chose qu'on a faite avec ma femme et mes filles est d’aller en Dordogne, car je voulais absolument leur faire découvrir, plus particulièrement du côté de La Roque Gageac et de Beynac.
Et en arrivant là-bas, je me suis remis à peindre directement en plein air, à faire du croquis et c'est comme ça que ça a confirmé l'idée qu'il fallait qu'on fasse un jeu narratif familial autour de ce lieu.
À ce moment-là, je venais de créer ma société à Bordeaux et je me suis rapproché d’Aymeric Casting qui avait une société qui faisait des projets narratifs dans les nouveaux médias (VR, réalité augmentée, etc), qui s'appelle Umanimation, et on a décidé de fusionner nos structures à ce moment-là pour produire le jeu. Et c'est à partir de là que l'on a trouvé aussi notre éditeur qui s'appelle Focus Entertainment et qu'on a poussé le développement avec un premier prototype qui nous a permis de financer définitivement le jeu avec l'aide aussi financière de la région et du CNC (Centre national du cinéma et de l'image animée).
Pourquoi avoir choisi de faire ce jeu en aquarelle ?
En fait, ce n'est pas un choix. Je fais de l’aquarelle depuis mes 14 ans. Dans tous mes projets en tant que réalisateur dans le dessin animé, j'ai essayé de montrer qu'il était possible d'amener une technique traditionnelle vraiment ancienne et qu’on pouvait la moderniser en la mélangeant avec de la 3D.
Quand on a commencé à développer Dordogne, je n'ai jamais imaginé que je pourrais faire le jeu autrement qu'en utilisant cette technique, d'autant que j'avais passé du temps en production et en animation à affiner la méthodologie.
La seule inconnue était de voir comment ça allait marcher effectivement dans le moteur de jeu en temps réel, qui ne met finalement en œuvre que ce qui a été préparé dans les logiciels en 3D. On a donc utilisé la même méthode que j'ai pu utiliser auparavant.
J'ai peint tout à la main sur papier. On a tout scanné et puis on a appliqué ça sur des objets en 3D. Et ces objets 3D ont été amenés dans le moteur de jeu et tout fonctionne très bien.
Dans le jeu vidéo, c'est ce qu'on appelle un pilier. Un pilier de jeu, c’est ce qui fait qu'on remarque et qu'on parle du jeu. Visuellement, il y a cette originalité, cette singularité qui est apportée par l'aquarelle.
Je pensais qu'il y avait beaucoup plus de projets dans cet esprit-là, mais il s'avère que non. C'est devenu notre force.
De plus, le jeu se passe en Dordogne, qui est une région connue mondialement et qui intéresse beaucoup de pays au-delà de l'Europe comme l'Asie, le Japon, la Chine et puis les États-Unis aussi.
Tout cela s'est mélangé, ce qui a fait que l'aquarelle s'est transformée comme une espèce de vecteur de communication à l'international.
Quel type de jeu est Dordogne ?
Alors c'est un jeu d'aventure narratif. Ce n'est pas un jeu dans lequel vous êtes en confrontation avec quoi que ce soit, c'est un jeu qui est fait pour raconter une histoire. Et pour cela, on va utiliser des successions de mini jeux qui sont tous différents : on va avoir parfois juste des jeux de manipulation, d’autres où on fait la cuisine, des jeux où on grimpe une falaise, un autre où on va faire un peu de kayak. Sur d’autres jeux, on va juste observer en prenant des photos et en enregistrant les sons. Tous ces mini jeux sont faits pour que les joueurs et les joueuses aient envie d'en savoir plus sur l'histoire.
Il n'y a pas de jeu bloquant, c'est-à-dire qu'on ne peut pas perdre. L'objectif est vraiment que tous les joueurs puissent aller au bout de l'histoire et comprendre ce qui est arrivé à l'héroïne.
Quelle est l’histoire de ce jeu ?
Le jeu raconte l’histoire de Mimi. Elle a 32 ans et elle va dans la maison de sa grand-mère qu'elle n'a pas vu depuis l'été de ses 12 ans, dont elle ne se souvient plus. C’est le dernier été où elle est allée voir sa grand-mère à qui ses parents l’avaient confiée et il s'est passé quelque chose cet été-là dont elle ne se souvient pas et qui fait que ses parents n'ont jamais voulu qu'elle retourne auprès de sa grand-mère après.
On joue cette jeune femme d'une trentaine d'années qui visite la maison de sa grand-mère. La maison est abandonnée, il n'y a plus personne dedans. En rentrant en contact de certains objets, de certaines sensations, elle va être plongée dans ses souvenirs.
Et grâce à cela, on joue aussi Mimi quand elle avait 12 ans.
Le but du jeu, c'est que les joueurs reconstruisent petit à petit les souvenirs de Mimi adulte et de comprendre ce qui lui est arrivé cet été-là.
Dans quels lieux de Dordogne se passe l’histoire ?
On voit des lieux, mais l'objectif du jeu n'a jamais été d'être une carte postale de la Dordogne. On va quand même au marché de Sarlat, quand on fait du kayak, on voit la Roque Gageac, le château de Castelnaud, on voit des cabanes sèches en pierre.
L'histoire se passe principalement dans la maison de la grand-mère, et ce qui a influencé les vues que l'on a près de cette maison, c’est la Côte de Jor avec cette vue incroyable où il y a beaucoup de parapentistes qui sautent depuis la falaise dans la vallée.
Il y a beaucoup de gros clins d'œil à cette partie du Périgord.
À quel public va s'adresser ce jeu ?
C'est un projet vraiment tout public qui peut se jouer à partir de 6-7 ans. L'objectif du jeu, c'est que des personnes d'une trentaine-quarantaine d'années puissent jouer avec leurs enfants sur leurs genoux et les grands-parents qui regardent derrière.
C'est un jeu basé sur la nostalgie et les sensations. Ça fait forcément écho à ce qu'on a tous vécu à un moment ou un autre : on a tous mis les pieds dans l'eau dans une rivière, on s'est tous amusés à faire des ricochets dans l'eau.
C'est un jeu basé sur le souvenir et, en ce sens, il est totalement grand public.
Avez-vous un message à adresser aux Périgourdins qui vont découvrir ce jeu ?
Déjà, je souhaite les remercier. C'est grâce à tous ces moments que j'ai passés quand j'étais enfant et puis ceux que je passe maintenant depuis que je suis dans cette région, parce que j'y vais quand même très régulièrement. C'est vraiment une région que j'adore. J'y passe tout le temps du temps avec beaucoup de plaisir. Et c'est une source d'inspiration qui a été centrale, primordiale.
C'est un jeu qui s'est fait très naturellement et qui s'est fait avec beaucoup de plaisir et j'espère honnêtement que les Périgourdins retrouveront l'essence de ce que cette région est. J'espère que je ne leur ferai pas outrage.
On a travaillé sur une forme de simplicité, de sincérité donc j'espère qu'ils auront envie d'y jouer ne serait-ce que pour voir ça. J'aimerais vraiment qu’ils nous soutiennent. Je pense réellement qu'on est sincères et que ça va leur plaire et, en ce sens, j'espère qu'ils vont nous soutenir et parler du jeu parce que ça reste un projet indépendant.
Alors certes, on a un gros éditeur, mais le projet a un petit budget de projet indépendant. À une époque où on a beaucoup de jeux très massifs avec des millions de joueurs, de milliards de bénéfices, nous, on a pris le parti d'aller dans une histoire narrative qui semble forcément un petit peu moins accessible pour les “gros” joueurs. Mais le but justement avec ce jeu, c'est de faire venir des gens qui sont non-joueurs et qu’ils prennent plaisir à suivre une histoire autrement qu'elle est au cinéma. C'est vraiment l'objectif de Dordogne et j'espère qu’on aura le soutien de tout le monde.
Comment a été reçu le jeu avant sa sortie ?
Il est extrêmement bien reçu pour l'instant en termes de presse à l'international. On a le Japon qui nous soutient énormément, en Europe aussi et puis en Amérique du Nord. On a un bel accueil donc c'est aussi un beau rayonnement pour la région et pour le département.
On a aussi eu un gros soutien des offices du tourisme et évidemment des structures départementales. J'espère qu’on ne va pas attirer trop de monde, pour qu'il n’y ait pas trop de tourisme parce qu'il y a tellement de gens qui nous disent “ça me donne envie d'y aller” (rires).
En tout cas, j'espère vraiment que tout le monde va ressentir cette sincérité et le plaisir qu'on a eu à faire le jeu.
Le jeu Dordogne sortira le 13 juin 2023 sur toutes les consoles : Switch, PS4, PS5, Xbox, Xbox Series et PC, et peut-être ensuite sur mobile.
Merci à Cédric Babouche pour sa disponibilité, Le Périgourdin lui souhaite un beau succès dans ce magnifique projet !
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